Métallophobie, n.f. : Crainte morbide de toucher certains objets métalliques.
Notre environnement quotidien comporte plusieurs matériaux aussi divers que variés, que ce soit le bois, le lino, la brique, le métal, le tissu, la peau ou les poils de chat. Ce que je vous demande d'imaginer à présent, c'est que l'un de ces matériaux vous soit insupportable. Comme ça, en théorie, ça ne semble pas particulièrement gênant, mais il y a beaucoup plus de choses dans un matériau donné que l'on ne croit.
Admettons que ce soit le métal que vous ne puissiez pas supporter. Le fait de tenir un objet en métal dans votre main pendant plus d'une seconde ou deux vous plonge dans un état de panique sans pareil, et vous n'avez qu'une idée en tête : lâcher l'objet qui vous gêne tant, sauter en l'air, vous éloigner de plusieurs mètres, vous laver les mains, vous débarrasser de l'infecte odeur qui y persiste même quelques heures plus tard, couper la peau de vos mains qui ont touché l'infâme objet, vous débarrasser de ces mains tant gênantes, boucher votre nez, ne plus sentir, ne plus toucher, ne plus exister. Et vous vous rendez compte que des objets en métal autour de vous, il y en a beaucoup. Vous ne pouvez pas conserver vos clés de porte dans la main suffisamment longtemps pour ouvrir la porte, ni toucher des pièces de monnaie assez longtemps pour trouver la monnaie exacte dans votre porte-monnaie, ni tenir des couverts assez longtemps pour manger quoi que ce soit, ni pour les laver après le repas, ni toucher la boucle de votre ceinture assez longtemps pour attacher la ceinture, encore moins jouer d'un instrument tel que le saxophone, la batterie, la clarinette ou la trompette. Le métal est fourbe et discret, mais omniprésent : le bouton d'allumage de votre PC, les canettes de soda ou de jus de fruits, la petite pastille ronde sur votre clé USB, la fermeture éclair de votre veste ou de votre pantalon, les boutons de votre braguette, le radiateur, les barres des prises électriques, les casseroles, les louches, spatules et autres accessoires de cuisine, les attaches derrière les cadres, les poignées de porte, les poignées de fenêtre, les attaches sur les colliers des chats ou des chiens, les attaches entourant les paquets de pâtes ou de gâteaux, les emballages des bonbons, le papier aluminium, les boutons du décodeur télé, l'ouvre-boîtes, les trombones, les punaises, les agrafes, les porte-clés, les attaches de soutien-gorge... Il y en a partout, parfois en petite quantité, mais partout. Lors de n'importe quel achat, que ce soit un fouet de cuisine ou un appareil photo, le critère principal de l'achat de cet appareil n'est pas sa fonctionnalité, sa practicité ou sa performance mais la présence ou l'absence de parties métalliques. Ca a pour résultat que l'on est souvent obligé de se contenter de matériel moins performant, juste parce que celui qui était plus performant et en plus un peu moins cher comportait des parties métalliques que l'on sait qu'on ne pourra pas toucher. Toutes les plumes à porte-plume sont en métal, qui en plus doit être mouillé et lavé avec attention ; et beaucoup d'instruments de calligraphie et de peinture comportent des parties métalliques, comme vous le montre la photo de la plume d'oie en haut de cet article.
Le métal chaud est une horreur, comme l'est le métal mouillé. Prenez des pièces de monnaie que vous tiendrez dans votre main pendant trente secondes, une minute. Elles chauffent et prennent votre transpiration, même légère. Ensuite, approchez votre nez et sentez l'odeur que dégagent ces pièces : cette odeur m'est insupportable, comme certains répugnent à la vue des araignées ou à l'idée d'un gros chien qui leur sauterait dessus avec ses grandes papattes.
Pour peu que l'on soit accompagné de quelqu'un
qui aime le métal ou qui du moins en porte - que ce soit la montre, les
bijoux, une gourmette, des bagues, un collier... J'ai un chéri qui a
accepté de se débarrasser de tous ses bijoux et de sa montre pour moi,
parce que je ne pouvais pas lui tenir la main, parce que je ne pouvais
pas le prendre dans mes bras, parce que je ne supportais pas l'odeur,
le toucher et encore moins la vue de ce vilain matériau, et je le
remercie énormément d'avoir fait ça.
Voilà, vous savez tout!